L’air du temps ou la nuit des temps? Dynamique de l’écriture picturale et de la lecture.
Il y a dans toute lecture d’une oeuvre l’aventure et le plaisir de l’inconnu mais aussi la reconnaissance des systèmes qui, pour nous, font sens. L’accueil fait à la représentation picturale d’un sujet figuratif ou abstrait fait résonner notre capacité intellectuelle et émotionnelle à vivre une expérience esthétique mais témoigne aussi de notre goût de l’autre et de l’ouverture vers d’autres possibles.
Le hasard et la nécessité de la rencontre, la recherche d’une explication, la mise à jour d’une structure ou d’un univers peuvent n’être qu’un passage éphémère ou laisser une empreinte durable.
Résultat d’une initiative de production impulsive ou réfléchie, les oeuvres reflètent une réalité et une volonté à chaque fois nouvelle de structurer l’air du temps. Mais il y a aussi par ailleurs, des schémas individuels et collectifs résiduels productifs sur le terrain de la création artistique, ils participent d’une tradition, d’une mode, d’une éthique.
Mais comment se fait cette rencontre ? Qui produit quoi? Qu’est ce que la création? Quelles stratégies entrent en jeu? Réactiver, assembler, ordonner, épurer, déconstruire et reconstruire, amplifier, éviter…
Que se passe-t-il dans la conscience de l’artiste ? Et si on admet que toute production artistique est codée et que pour celui qui crée comme pour celui qui contemple, une production picturale est toujours l’écho d’une autre qui l’ a précédée, alors il faut chercher pour chacun, dans la production et dans la réception, un autre sens que celui qui apparaît au premier abord. La création, dans cette perspective, est peut-être favorisée par la coïncidence de la possibilité de maîtriser la mémoire de ce dont nous sommes imprégnés et celle d’engager un processus créatif personnel. Mais mettre la mémoire au service de la création va bien au delà du seul processus conscient qui consiste à alimenter la production en monopolisant ses souvenirs personnels.
La dynamique de la mémoire ravive des archétypes universels portés par des formes picturales connues et répertoriées et met parallèlement en scène une problématique personnelle d’intégration et de rejet qui marque le cheminement vers la connaissance de soi et des choses. Ce « brouillage des pistes », inhérent à toute démarche qui consiste à projeter une perception du réel, donne un nouvel enjeu à la lecture ou à l’interprétation qui deviennent fonction de reconnaissance et de décodage des traces, sachant que la création individuelle originale est quasi impossible. Pour la peinture, comme pour l’écriture, s’engager dans un processus de création s’est s’engager sur un chemin qui va au delà des apparences ou d’une représentation unique et figée du réel.
Pour chaque projet qui m’anime, la création se veut production nouvelle, voire novatrice, une volonté de capter/ capturer l’air du temps à un instant T et d’en rendre compte à ma façon. Cependant, je crois que c’est aussi voir (en infiniment petit) la façon dont l’anecdotique des histoires personnelles peut faire émerger l’universel des mythes fondateurs qui nous structurent depuis la nuit des temps.
Huile 50×70 Human Energy 2014