Pourquoi je peins

Pourquoi je peins?

Parce que j’ai envie de peindre. Parce qu’on m’en a donné l’envie. Parce que ça me plait. J’aime associer des couleurs. Je suis curieuse de la formation du sens par la patience de la superposition des couches ou par la fulgurance du geste unique. Cela devrait suffire à justifier le désir d’aller vers le chevalet mais s’ajoute aussi à cela, c’est évident, un désir d’exprimer quelque chose.

Inscrite dans mon parcours, tout comme la littérature, la peinture fait partie de mon univers depuis bien longtemps. Mais au delà de l’analyse des contenus, exercice passionnant et formateur, c’est plus précisément de ma propre quête de mise en évidence d’une structure, d’une grille de lecture de ce qui sous-tend la réalité dont il s’agit ici. C’est l’ intuition de quelque chose que j’ignore mais que je cherche depuis longtemps dans ce que je peux contempler, lire, réfléchir, rêver et modestement produire sur une toile.

Ma démarche englobe un espace plus global de connaissance et d’insertion dans le monde qui peut permettre de comprendre un peu plus les agencements probables ou improbables qui nous détournent ou nous sollicitent tout au long de notre parcours.

Comme beaucoup de personnes dans de nombreux domaines, je cherche ..C’est une aventure excitante et vivifiante. Pas de noirceur, de la couleur, de l’énergie, de l’action.. Il y a des entrées partout mais nous n’avons pas toujours vu la porte ou bien nous n’avons pas toujours la bonne clef.

J’ai juste envie d’essayer, à mon niveau et sans prétention, de trouver, grâce à la création picturale quelques chemins vers une meilleure connaissance des multiples mises en relations possibles entre un nombre fini d’éléments présents. Ce n’est pas la somme des parties qui fait le tout mais la forme que prend leur combinaison allant de ce fait bien plus loin que l’espace clos et borné qu’est la toile.

C’est pourquoi ce type d’arrangement des formes et des couleurs, cette vision un peu “kaléidoscopique” de la realité sont une invitation à décrypter les nombreuses facettes de cette même réalité sans cesse réinventée et « réinventable » par chacun d’entre nous. Ces combinaisons, ce maillage qui jouent avec la superposition ou la fragmentation sont des paliers d’où on contemple la possibilité d’ une autre strate de réalité ou une autre version d’une même représentation, idéalement la perception d’une cohérence qui ne va pas de soi mais qui structure peut-être ce que nous sommes intrinsèquement et dans notre relation aux autres. Un rendez-vous intrigant avec un ensemble tendu entre rêve et réalité.

J’espère avoir explicité ma démarche mais j’espère surtout que certains de mes tableaux susciteront vos projections et interprétations ou qu’ils vous plairont tout simplement.



For my English speaking friends… happy to see you here, writing a short summary of my reasons for painting was the least I could do. Hope you can read this with pleasure.

To the question why I like painting, I would say because I feel like it… Because I find pleasure in this activity. The artistic combination of colours that match, then the long process of creating meaning by patiently criss-crossing the canvas with the brush or sometimes through the unexpected gesture of a once and for all production on a blank space.
No matter how demanding it may be, it is always linked to a compelling desire to express something, a creative impulse driven by an internal necessity.

I feel I need to make this world visible through a language that projects me beyond words. This world is full of energy and bright colours but at the same time well-structured. The different parts of the painting stand like units that are isolated and yet intrinsically connected. They slowly become perceptible to the watcher, taking the shape of the embedded detailed pieces of a bigger design. The world such as we meet it, is a constructed functioning system, it is familiar, easy to apprehend, at least for what is directly in the prism of our consciousness. It is like a gigantic puzzle with its own structures and rules to which we are actively connected, we always interact with it, we are one hundred percent part of the human or the natural experience, yet we don’t always know how to interpret or decipher our environment.

While painting I feel I can establish a better connection between the parts and the whole. It is a sort of reconciliation process. I feel I want to share my findings, I want others to share an exciting adventure. Can you see it? It is all about the likelihood of some combinations and arrangements producing more meaning than others or showing more visible tracks and paths to follow. A world for you to map out at will.

I use colours and black outlines to build up the structures that allow the coexistence of different aspects of different worlds and settings for everyone to experience and appropriate this geometry. The apparent fragmentation of the painting is also an invitation to rebuild the coherent universe that the watcher feels attuned to, whether it be echoes of dreams or recognition of realistic shapes and ambiances. All in all, my paintings are meant to trigger projections and interpretations but they are essentially meant to be enjoyed as a simple aesthetic experience, sheer pleasure of a new lens on the world.



Au travers d’un bel écrit, une autre perception que la mienne. Une autre façon de percevoir les variations que j’ai voulu orchestrer en surface de mes toiles …un grand merci à Geneviève Solana-Chanson pour ces termes élogieux.

Exsultation. Transport de Joie. Telle est la sensation première que dégagent les tableaux de la plasticienne Sylvie Trilles. Pourtant, nulle exubérance dans les œuvres présentées. Cette Joie profonde est tangible. Ses acryliques sont, d’abord le reflet d’une sérénité souriante, d’une  empathie qui se veut familière avec un plaisir de vivre ou de peindre contagieux, généreux autant que discret.

Les lignes de force, souvent dans la verticalité, s’étirent vers un hors –champ imaginaire de la toile. La vivacité chromatique et un trait puissant marquent la détermination de l’artiste à trouver un langage, l’alphabet d’un monde qu’elle interroge sans cesse, toile après toile, comme pour en explorer le champ des possibles. Jubilation pour le regard, jubilation de l’artiste qui s’interroge et requiert du spectateur la même plongée, s’il le veut bien, dans les abysses du possible.

Tout se passe comme si la toile et ses aplats en épaisseurs devenaient le support d’une méditation féconde. L’arrêt sur l’image conjoint la fuite vers un ailleurs, vers un au-delà du cadre et le tissu moiré, en surimpressions, en aplats fermes, de la peinture. Cette épaisseur questionne peut-être le souvenir et la mémoire, comme pour le poète T. S. Eliot dans son œuvre Quatre Quatuors, cherchant une clé au grand mystère du vivre :

« Des pas résonnent en écho dans la mémoire

Le long du corridor que nous n’avons pas pris

Vers la porte que n’avons jamais ouverte

Sur le Jardin des roses » (traduction de P Leyris)

Mais, chez Sylvie Trilles, la nostalgie du « jardin des roses » cède le pas à une quête vive et active. Pourquoi ? Pourquoi… »pas » ? Les questions sont là comme l’indice d’une curiosité, d’une surprise, de quelque chose qui intrigue, dérange et surprend sans vraiment inquiéter, encore moins angoisser. L’orientation est celle du présent dans cet univers où la plainte et le regret n’ont pas exactement leur place. À y regarder de plus près, en une bienheureuse myopie, ses grandes toiles offrent des espaces délimités. Des univers se juxtaposent qui, à eux seuls constituent d’autres créations, comme une mise en abyme du tableau lui-même. Ces mondes microscopiques dont il faut s’approcher pour en saisir les subtilités, ne sont pas à traduire, à expliquer. La beauté de ces « miniatures »  surprend par leur mystère hiéroglyphique. Jamais, dans ces constructions géométriques, plus ou moins closes, rien n’est identique. Au contraire, la matérialité de la toile se difracte en autant de ricochets fugitifs, inexplicables, profonds parce qu’éphémères. D’une rare élégance.

« Je veille, dans la mesure du possible, à ne faire que des peintures qui suscitent le mystère avec la précision et l’enchantement nécessaire à la vie des idées » écrivait R Magritte. En cela, l’œuvre de Sylvie Trilles pourrait bien lui servir d’écho.

G Solana-Chanson

2 réflexions sur « Pourquoi je peins »

  1. Il est frappant de constater comme cette explication des raisons de peindre est profonde dans sa clarté, à quel point s’y exprime notre désir de voir venir cette « réalité » qui nous échappe et nous fonde. Ce texte de présentation d’un site de peintre vaut pour bien des réflexions et intuitions, au sens poétique d’éveil, qui peuvent nous guider dans l’étrange aventure qui consiste à chercher un langage au delà des langages que nous connaissons déjà.
    Jean-Philippe Domecq

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