Attraction et poème

 

Attraction. Deux tableaux 45X55 acrylique

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                     Quand deux réalités, routes, situations  semblent presque identiques où faut il aller, que faut il choisir  et pourquoi?

Voici deux tableaux, de format rectangulaire, ce qui, pour moi, est inhabituel. A cette occasion, je me suis mise dans des conditions nouvelles  de découverte de l’espace accessible. Du fait de cette « nouveauté » il me semble que le trait n’est pas tout à fait le même que pour les autres tableaux, il parait plus flou, plus hésitant et plus étiré. Quoi qu’il en soit, au delà de l’impact spécifique ou pas sur l’écriture picturale,  le deuxième aspect sur lequel s’engage ma réflexion, est de savoir ce qui se joue dans la production double, binaire ou en écho sur un même sujet. Deux tableaux utilisant sciemment la même palette de couleur et la même source d’inspiration constituent ils deux parties indissociables  d’un tout où ont ils une vie et un sens si ils sont dissociés. En quoi notre perception peut les distinguer ou leur attribuer des qualités différentes? Sont ils une dérivation à l’infini d’une représentation unique. L’un est il la copie de l’autre? Si oui en quoi l’original se distingue  de la copie et a-t-il plus de valeur sémantique, ou est il plus attirant? Sur quels critères allons nous choisir de peindre ou d’exposer seulement l’un ou l’autre?  Enfin, peut on dire que  reproduire une même représentation avec quelques variantes dilue le sens ou bien que cela conforte, au contraire, l’unicité du message et l’unicité de notre présence au monde?

Pour finir d’illustrer ce propos, j’ai en tête le  célèbre poème The Road Not Taken de Robert Frost qui pose la question de la décision vue comme consubstantielle de celle du regret,  question d’autant plus pertinente que l’on ne sait pas grand chose  de l’ arbitraire ou validité des critères à partir desquels nous opérons nos choix.

Les deux chemins du poème de Frost sont quasi identiques  même si l’on croit qu’il choisit le moins emprunté pour faire preuve d’audace. Contrairement à ce que l’on peut croire à première vue,   il ne fait pas, en fait, l’éloge du non conformisme hors des sentiers battus, mais il exprime qu’il se sent fragilisé par la nécessité de devoir choisir et le poids  des conséquences qui en découlent. Il y a des fausses pistes. D’ailleurs, c’est bien, comme le titre l’indique,  du chemin qu’il n’a pas pris dont il s’agit dans ce poème et non de celui qu’il a choisi de prendre.

Même si la nature de ce qui nous attire reste très mystérieuse, les questions métaphysiques sont, en fait, très simples car  ce qui est fait est fait et nous savons que nous ne pourrons plus revenir en arrière. C’est bien  là la source du conflit. Que se serait-il passé si..? A décliner à l’infini si l’on choisi de se pencher sur la question du parcours en mode regret.

Aujourd’hui face à un croisement, nous avons la liberté de choisir, de façon réfléchie ou impulsive et nous tranchons. L’un mais pas l’autre.   Puis viendra, un jour, le verdict du temps, accompagné du  soulagement d’avoir fait le bon choix ou des regrets de s’être trompé. Et puis avec du recul, un jour, on se rendra compte que la multitude des attractions n’est pas réductrice, l’indicible regret n’étalonne rien, rien qui ne soit inégalable. On comprendra alors que ces séquences de choix qui éliminent des combinaisons possibles produisent en même temps de l’unité, on entreverra, peut être l’unicité des multiples chemins pris ou non pris qui nous ont permis de capter les sensations du monde et d’écrire, quel que soit le langage, notre   trajectoire dans le temps.

 

The Road Not Taken

TWO roads diverged in a yellow wood,
And sorry I could not travel both
And be one traveler, long I stood
And looked down one as far as I could
To where it bent in the undergrowth; 

Then took the other, as just as fair,
And having perhaps the better claim,
Because it was grassy and wanted wear;
Though as for that the passing there
Had worn them really about the same, 

And both that morning equally lay
In leaves no step had trodden black.
Oh, I kept the first for another day!
Yet knowing how way leads on to way,
I doubted if I should ever come back. 

I shall be telling this with a sigh
Somewhere ages and ages hence:
Two roads diverged in a wood, and I—
I took the one less traveled by,
And that has made all the difference.

Robert Frost (1874–1963). Mountain Interval. 1920.

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